Première impression [Liliana]

Anastasiya poussa la porte de sa chambre, extatique. Voilà. Une chambre à elle, au sein même de l’académie de ses rêves. Des murs unis, qui ne demandaient qu’à être tapissés des photos qu’elle avait l’intention de prendre de ses idoles, avec son nouvel appareil (elle avait forcé ses parents à le lui acheter, prétextant un ordre du club de photographie qu’elle venait d’intégrer). Elle avait bien entraperçu les fameux Golden Stars tout à l’heure, lors de la cérémonie d’ouverture, et ça lui avait remonté le moral plus que n’importe quelle tablette de chocolat.

Elle avait reçu son horaire il y a quelques minutes, accompagné de la clé de sa chambre sur laquelle était inscrite le chiffre deux, ainsi que toutes les informations relatives aux règlements de l’école, qu’elle s’efforcerait d’apprendre par cœur.

Elle prit son temps, défit ses (nombreuses) valises, plia ses vêtements, les rangea dans son tiroir et son placard…Puis elle s’étala sur l’un des lits.

Minute…Il y avait DEUX lits?! Et en prêtant plus attention, elle pouvait voir deux commodes, deux placards, deux tables de chevet…Ça voulait donc dire qu’elle serait obligée de partager sa chambre, chose qu’elle n’avait jamais fait de sa vie? Et elle devrait en plus contenir ses ardeurs par rapport aux Golden Stars en cachant ce qu’elle récupérerait sur eux? Eh ben, ça promettait d’être joyeux…

D’ailleurs, quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit sur une jeune fille. À la voir, on pourrait dire qu’elle était en troisième ou quatrième année. Elle avait des cils inhumainement longs (sûrement faux) et ses vêtements étaient banals, sans éclat. Le visage d’Anastasiya s’éclaira de compréhension…Cette fille avec qui elle allait devoir partager sa chambre était sûrement une Bronze Star…Ces pauvres qu’on prétendait être leurs égaux. On lui aurait dit qu’elle aurait à partager sa chambre avec une famille de rats que ça n’aurait pas pu être pire. Un voile de dégoût assombrit le visage d’Anastasiya. Une expression peu engageante, difficile à manquer…

Anastasiya suivit lentement la fille du regard. Elle transportait une petite valise et un sac à dos. Une bonne chose. Comme ça, elle ne l’envahirait pas d’un tas de trucs insignifiants. À moins qu’elle n’ait même pas les moyens de se payer ne serait-ce que des trucs insignifiants. Anastasiya ricana à cette pensée. En apprendre plus sur cette fille lui ferait un petit passe-temps. Après tout, elle vivait dans un monde qu’elle n’avait jamais eu à connaître, Dieu soit loué.

« 'Lut, ch'uis Liliana Carter mais tu peux m'appeler Lili. Je suis en 3 ème année. »

Oh, quel langage vulgaire! On ne lui avait donc jamais appris à s’exprimer correctement là où elle habitait? On était dans une école privée ici, pas dans la rue! Et ce n’était pas le fait qu’elle soit en troisième année qui allait y changer quelque chose, ça non! Elle lui souhaitait d’avoir pris le cours d’anglais, ça élargirait peut-être son vocabulaire limité.

Et…oh! Était-ce une lueur amusée qu’elle percevait dans son regard? Était-elle en train de se moquer d’elle? PERSONNE ne se moquerait d’elle comme ça, elle en faisait le serment. Troisième année ou pas!Non mais elle se prenait pour qui à se penser supérieure comme ça? Une Golden Star? Elle ne laisserait jamais passer ça. Autant tirer les choses au clair tout de suite. Elle se leva, sauta de son lit et s’approcha pour faire face à la nouvelle venue. Du ton le plus froid dont elle était capable, elle commença :

- Anastasiya Belograski. Je suis peut-être en première année, mais cette chambre là m’appartient autant qu’à toi. Alors pas touche à mes affaires, SURTOUT PAS à mon placard, à n’ouvrir sous aucun prétexte. Et si tu revends des choses qui m’appartiennent pour te faire un peu d’argent, sois sûre que je le saurai, je ne suis pas stupide.

Sur ce, elle lui tourna le dos et retourna se coucher sur son lit.

Elle n’arrivait pas à y croire. On lui avait désigné à elle, une Belograski, une Bronze Star comme compagne de chambre! Ils ne savaient donc pas qu’on ne mélangeait pas les torchons avec les serviettes?

« Mais bien sûr de toute façon qui voudrait de ces horreurs »

QUOI? Était-elle en train de dire qu’elle manquait de goût? Que ses vêtements laissaient à désirer? Non mais qu’elle se regarde avant de parler! Toutes ses choses devaient provenir de magasins comme le Wal-Mart. Elle était tout simplement incapable d’apprécier des vrais vêtements de marque…

Comme si c’était la chose la plus normale du monde d’insulter ainsi sans ménagement une innocente élève de première année, elle sortit un paquet de son sac. De loin, ça ressemblait à du…chocolat…Où est-ce qu’elle avait trouvé ça? La cafétéria avait beau servir des mets considérablement raffinés, elle n’avait pas encore trouvé de chocolat dans le coin. Et la regarder en manger lui donnait terriblement faim…Elle devait se retenir pour ne pas saliver d’envie en sentant leur arôme léger.

« Tu en veux ? »

Ça c’était…cruel! Comment pouvait-elle offrir du chocolat à une jeune fille en manque de sucre comme elle? Oui, elle en voulait, mais ça ne voulait pas dire que tout deviendrait beau et petit-royaume-de-l’arc-en-ciel! Elle ne s’abaisserait pas à accepter des présents d’une fille qui venait de lui dire des choses aussi abjectes!

- Si j’en veux, j’irai m’en acheter. Ça ne doit pas coûter trop cher, si tu peux te le permettre.

Et vlan! Elle espérait que ça l’empêcherait de lui parler encore sur ce ton à l’avenir.

- J’espère que tu respectes le couvre-feu, parce que je ne tolérerai pas d’être réveillée au beau milieu de la nuit. Il y a un bureau là-bas, et je le pousse devant la porte à 22h tapantes s’il le faut.